Le 29 juin dernier, Alexandre Carron nous a quittés à l’âge de 94 ans.
94 ans. C’est presque un siècle. Une vie entière qu’il a su si bien remplir de rencontres, de découvertes, d’amitié. Déjà quand j’étais jeune, il était une référence pour moi ; j’aimais sa philosophie de la vie, son aspiration à dépasser l’univers restreint de son milieu et du Valais de son époque. Il voulait aller au-delà, il refusait de limiter sa vie à la vigne et à un schéma social qu’il considérait comme restrictif. Il pressentait que le vaste monde autour de lui apporterait ce supplément d’âme et ces frissons à une existence qu’il voulait plus intense.
Il est resté célibataire, ce qui lui a ménagé la liberté de se donner pleinement à une passion qu’a allumée en lui son père et qui l’a habité très tôt : savoir ce qu’étaient devenus ses compatriotes émigrés au XIXe siècle, et partir à leur rencontre, écrire leur histoire. Il l’a fait. Il a parcouru le Valais de Gletsch à Saint-Gingolph. Il a visité la France, l’Italie, Il a voyagé à plusieurs reprises en Amérique du Sud, aux Etats-Unis, recherchant avec patience les traces de nos cousins installés là-bas. Il les as retrouvés. Il les as aimés. Et il m’a permis de partager avec lui une partie de ce chemin fabuleux ; je lui en suis immensément reconnaissant.
Alexandre est le père des retrouvailles. C’est ainsi qu’il est reconnu et vénéré ici et outre-mer, en dépit de sa modestie. Et je suis fier que mon nom soit associé au tien quand sont évoquées les étapes de cette aventure extraordinaire. Cette aventure ne sera plus jamais oubliée : elle est dans nos deux livres « Nos cousins d’Amérique », elle est aux archives de la Médiathèque cantonale dans le fonds récemment constitué, elle est dans le cœur et la mémoire de ceux qui ont eu la chance de le connaître et de partager un peu sa vie.
Dans le sillage de « Nos cousins d’Amérique » sont nées les associations « Valaisans du Monde », « Valais-Argentine », « Fulliérains du Monde » dont nous sommes tous deux membres fondateurs, puis sont venus leurs répondants en Amérique, notamment EVA (« Entités Valaisannes d’Argentine ») et diverses associations au Brésil et aux Etas-Unis.
Dans sa lettre de condoléances, l’ambassadeur de Suisse en Argentine, Hans–Ruedi Bortis, relève : « Alexandre Carron était un homme extraordinaire qui a consacré une grande partie de sa vie à la recherche et à la reconstitution de l’histoire de l’immigration valaisanne en Amérique du Sud. Son héritage ne tient pas seulement à son importante œuvre littéraire, mais aussi du fait qu’il a suscité un regain d’intérêt chez les descendants de Suisses et de Valaisans pour la redécouverte de leurs racines. »
Combien justes sont ces paroles d’une autorité dont l’intérêt pour l’histoire et les relations entre les Suisses et leurs descendants en Argentine s’accompagne d’une grande humanité.
Ceux qui, en Valais et ailleurs, ont croisé ou partagé le chemin d’Alexandre retiendront combien son cœur était grand, et agréable sa compagnie. Ils sont aujourd’hui dans le chagrin, mais aussi dans l’infinie reconnaissance pour tous les moments partagés qui sont comme autant de jolies fleurs dans le bouquet du souvenir.
Alexandre nous sourit et nous inspire désormais de là-haut.
Son neveu Christophe Carron